La perte de la communication est un des signes marquant le début de la phase de régression dans le syndrome de Rett (Stade 2). Elle est souvent suivie par une altération des fonctions orales, motrices et respiratoires (Budden et al., 1990). Zapella, 1992 a trouvé que seulement 3 % des formes classiques ont conservé une certaine expression orale avec des phrases courtes complètes.

Les troubles dès le plus jeune âge

Durant la période prélinguistique (de la naissance à 24 mois) correspondante à la phase de prérégression, il a été constaté peu d’expression gestuelle de communication (Tams-Little and Holdgrafer, 1996). Chez la majorité des filles ayant un syndrome de Rett, (Von Tetzchner et al., 1996) n’a pas observé d’attitudes pouvant être interprétées comme des « intentions » de communiquer. Les troubles de communication sont des manifestations précoces pouvant être des signes d’alerte. Avec le recul, dans les travaux issus des analyses vidéo des enfants, et en l’état actuel des connaissances, il semble plus raisonnable de pouvoir dire que la période précritique (avant la régression) n’est pas si normale que cela. Un dépistage précoce avec une prise en charge éducative peut être discuté.

Les acquisitions après la période de la régression

Après la phase critique de régression, se développent des intentions positives de communication avec orientation vers les visages, le regard qui se fixe, le sourire. Les enfants ont une rythmicité comme pour ponctuer une communication, un sens de l’humour et un sens du jeu et de l’interaction. Il y a une acquisition des représentations phonologiques et prosodiques. Les enfants se manifestent à l’écoute de la musique (Buford and Trevarthen, 1997).

Y a-t-il un potentiel à la communication ?

Les freins à la communication Des structures anatomiques comme la bouche, la langue, la respiration... sont impliquées dans le langage. Des mouvements réduits de la langue ont été signalés (Morton et al., 1998). D’autres facteurs contribuent à affecter l’expression du langage comme l’hypertrophie des muscles masséters, le bruxisme (Peak et al., 1992) et le dysfonctionnement du système sympathique.

Certains symptômes spécifiques du syndrome de Rett ont une influence pour limiter les formes non verbales d’expression et constituent des barrières à l’apprentissage : l’apraxie, les stéréotypies des mains, la réponse retardée…

Les sens fonctionnent normalement

À côté de ces troubles constatés, il existe cependant des évidences, celles d’un important potentiel à la communication. Aucune anomalie spécifique n’a été observée au niveau du système sensoriel périphérique. Les différentes voies afférentes, auditives, visuelles fonctionnent normalement (Saunders et al., 1995). Il a aussi été constaté que, même chez les enfants ayant des symptômes plus graves, la réponse à des rythmes, des mélodies, de la musique est bien développée.

Des études pour comprendre les causes de la non-verbalisation

Dans le syndrome de Rett, les études anatomiques, microscopiques sur autopsie ont montré que le substratum existe pour une communication (Belichenko, 2000). Il existe une base morphologique pour le processus langagier au niveau du cortex. Le langage se développe après la latéralisation hémisphérique. Il est probable que les perturbations motrices débutent au moment de cette période critique. Dans le syndrome de Rett, la dysfonction du cortex moteur affecte le processus du langage (Niedermeyer and Naidu, 1998). Au niveau morphologique, on peut retenir que les enfants ayant un syndrome de Rett ont tout le bagage nécessaire pour une parfaite compréhension du langage. Suite aux travaux de Belichenko, « La production d’origine motrice est altérée », des approches de stimulation (par stimulation magnétique transcrânienne) décrites par Epstein (1998), pour faciliter certains processus langagiers restants afin d’améliorer la communication, constituent les axes de recherche actuelle.

Les récents travaux du chercheur Pavel Belichenko ont clairement montré que l’absence de parole est surtout due aux perturbations motrices dans l’expression et la production vocales. Finalement, les enfants avec un syndrome de Rett ont une « parfaite » compréhension de la parole, du verbal. Les structures sont morphologiquement présentes dans le syndrome de Rett : l’ensemble des représentations mentales, d’opérations cognitives et des processus langagiers est présent. « Ce ne pourrait qu’être un dysfonctionnement moteur ! »

Des perspectives existent pour essayer d’apporter une amélioration de la communication chez les enfants ayant un syndrome de Rett. Poser la question de la communication chez nos enfants ayant un syndrome de Rett est un questionnement d’ordre philosophique et éthique et non pas simplement une histoire de déficience liée au handicap. « Je pense donc je suis ! », la finalité de la communication reste une transmission de la pensée.

Dominique HÉLOIR, orthophoniste
Gaelle BONALDI, ergothérapeute
Dr Gérard NGUYEN, médecin, papa d’audrey (2016)

Vidéo "CAA : l'apraxie et ses conséquences"

La communication, le code Oui/Non

Une expression de l’enfant polyhandicapée subtile

La communication est essentielle pour les enfants polyhandicapées, mais elle est rendue difficile par leurs difficultés gestuelles, articulatoires et de maturité affective et relationnelle : elles nous cherchent du regard, nous « appellent », nous font comprendre ce qui va ou ne va pas, ou simplement pleurent ou crient. Elles peuvent parfois se montrer capables de faire des choix en ce qui concerne la nourriture, la musique, le programme télé, l’activité proposée ou autre activité de la vie quotidienne. Cette communication est subtile, dans les nuances du comportement (stéréotypies, cris, chants, mimiques et expressions du visage, réactions physiques ou gestuelles), mais il faut bien les connaître pour pouvoir déchiffrer ce code.

Le choix Oui/Non à organiser et à fiabiliser Le plus important à repérer est le code Oui et Non : l’enfant nous dit si elle accepte ou si elle refuse ce qui lui est proposé, ce qui lui permet d’accéder à la notion de choix et la rend présente et actrice. La réponse est plus ou moins fiable suivant le niveau de compréhension et les capacités cognitives. De plus, pour une même enfant, cette réponse n’est pas forcément la même suivant la situation, et peut se manifester sous différentes formes : un regard, une mimique du visage, de la bouche, des yeux, un son particulier, voire un mot, ou encore désigner quelque chose de la main ou des yeux (une image, un symbole, ou un objet).

Il faut travailler avec l’enfant pour maintenir cette motricité spontanée, l’automatiser, et fiabiliser les réponses qu’elle donne.

Pour faciliter l’expression de l’enfant (dans des cas de capacités cognitives et d’initiatives suffisantes), on peut aussi utiliser un contacteur qui peut déclencher un système de défilement permettant de faire des choix simples exprimant simplement Oui et Non (sous forme d’images, de couleurs ou de pictogrammes), ou des choix plus élaborés contenant des éléments propres au niveau de compréhension et d’expression de l’enfant, ou encore une planche de communication avec quelques images, pictogrammes ou symboles représentatifs que l’enfant peut désigner.

Afin de donner aux enfants le maximum d’opportunités de se développer harmonieusement, dans le confort, le plaisir, la relation à l’autre et à l’environnement, il est important de leur offrir un panel diversifié d’installations et de situations motrices et sensorielles adaptées à leurs capacités, à leurs besoins, à leur niveau d’évolution, et à leur rythme. De même, quelles que soient les installations et les activités choisies, afin que chacun s’investisse et adhère aux activités et adaptations qui sont proposées, il est important qu’elles soient relativement faciles à mettre en place pour l’entourage (éducateurs, rééducateurs et familles), et que tous travaillent en collaboration et s’apportent mutuellement des éléments et informations permettant d’adapter au mieux la prise en charge.

Pour le plaisir et le bien-être des enfants polyhandicapés, il suffi t souvent de deux doigts d’imagination, d’une bonne dose de savoir-faire, et de lier tout cela avec force, communication et relations.

Le développement des supports de communication

Différents supports de communication pourront être proposés aux filles. Ils évolueront selon leur âge, leurs capacités particulières et les projets définis entre les parents et les professionnels. Avant de proposer réellement un outil de communication, il faudra peut-être à la période délicate dite « de régression » s’assurer ou travailler une notion préalable tel le contact oculaire pour amener à une attention conjointe puis à une fiabilité du regard. Le travail avec les orthoptistes pourrait être très intéressant et complémentaire. Les filles sont connues pour posséder une bonne capacité de compréhension orale. Il faudra néanmoins dans les premières années soutenir cette compréhension puis la développer (comme pour tout à chacun) dans les notions de vocabulaire, de complexité syntaxique… pour suivre également les variétés d’expériences de vie.

Ainsi, selon les objectifs définis (compréhension, expression) et selon les âges (respect de la hiérarchisation du développement), il pourra être opportun de proposer des outils divers (liste non exhaustive, mais les principaux seront mentionnés).

Pour soutenir et développer la compréhension

  • L’utilisation par l’interlocuteur de la mélodie, de la prosodie, de l’intonation, des mimiques, des expressions faciales… de tous les éléments de communication non verbale présents dans le cadre d’un développement « normal » du langage.

  • L’outil PECS (système de communication par échange d’images) : cet outil permet de travailler, de comprendre « l’intérêt » qu’il y a à communiquer.

  • L’outil MAKATON est un programme de communication multimodal associant trois modalités : la parole, les signes de la Langue des Signes Française (LSF) et des pictogrammes. L’utilisation des signes par l’interlocuteur est en effet une modalité efficace pour soutenir la compréhension, car elle permet un ralentissement du débit et ainsi favorise un meilleur décodage de la chaîne parlée. Les pictogrammes pourront eux aussi être associés et permettre un accès à la généralisation des concepts. Les pictogrammes pourront également être utilisés sur de multiples supports qui seront évoqués un peu plus loin.

  • Les outils comme TEACH s’appuient sur la modalité visuelle et sont proposés dans le cadre d’un programme structuré.

Pour soutenir l’expression

  • L’utilisation soutenue du regard : il faut effectivement s’appuyer sur les compétences des filles ; mais cela suppose donc un vrai travail pour arriver à une fiabilité du regard.

  • L’utilisation des pictogrammes par une action de désignation, du regard, de la main, du poing, du doigt… selon les capacités propres à chacune. Les pictogrammes pourront être utilisés seuls ou en association avec des photos, des images, des objets références…

Plusieurs outils destinés à soutenir et/ou développer les capacités de communication ont été présentés. Il est important d’évoquer maintenant différents types de supports de communication qui pourront être mis en place avec leurs objectifs bien spécifiques.

Inna et sa maman utilisent des pictogrammes
Inna fait une activité et utilise des pictogrammes

  • Les emplois du temps : ils peuvent être proposés à partir du moment où l’attention conjointe est présente. Ils pourront se décliner de multiples manières pour s’adapter exactement aux possibilités de l’enfant ; soit à la demi-journée, à la journée, à la semaine…, avec des photos, avec des pictogrammes... Ce support, qui dans une forme très fonctionnelle, pourra être assez simple, permettra néanmoins d’apporter des repères importants pour construire la notion de temps, pour permettre de comprendre, d’anticiper les événements et d’être rassurée !

  • Les tableaux ou classeurs de communication sont tous uniques et nécessitent la collaboration des parents et des professionnels (ergothérapeutes, orthophonistes, orthoptistes…) pour leur mise en oeuvre. Ils permettront de répondre à une sollicitation, d’exprimer un choix…

  • Les cahiers de vie ont pour fonction de garder les traces du vécu, des expériences de vie permettant d’inscrire les filles dans leur histoire… Ces « cahiers de vie » seront tout aussi importants dans l’enfance qu’à l’âge adulte.

  • Les livres, adaptés avec des pictogrammes par exemple, peuvent permettre d’avoir accès à une certaine forme de culture… Actuellement de nouveaux outils font leur apparition, mais restent encore peu connus en France.

  • Le PODD (Pragmatic Organisation Dynamic Display de Gayle Porter) est un livret de communication basée sur une organisation dynamique et pragmatique des thèmes de conversation.

  • Les Talking Mats (« tapis parlant ») de Joan Murphy de l’Université de Stirling en Écosse (Informations disponibles auprès d’ISAAC-Francophone).

  • Le pointage oculaire (eye gazing, eye pointing) sont des techniques et des matériels de présentations innovantes en communication. Trouver des outils adaptés pour permettre aux filles de communiquer est important et prend du temps. Quel que soit l’outil choisi, il ne saurait être figé dans le temps, car selon l’âge, l’environnement, les expériences de vie… les besoins évoluent. Les outils et les supports devront également évoluer.

Voir nos prêts d'ordinateur à commande oculaire

Communiquer avec les filles : mythe ou réalité ?

L’incapacité de comprendre les filles est un problème majeur pour ceux qui travaillent avec elles. Le travail d’équipe, pour trouver la bonne méthode de communication, est fructueux. La communication est interaction : l’émetteur et le récepteur doivent tous les deux jouer un rôle actif. Aujourd’hui, dans son parcours, le parent est à l’intersection des chemins entre le confort du silence et le non-dit de l’absence du langage qui engage. Le silence de l’enfant est si riche en non-dits : est-ce conscient ou inconscient ?

Entre le silence de l’esprit, le silence de l’écoute, entre le « je décode », j’interprète et le « à quoi bon ? », le silence est le miroir, le miroir de son propre ennemi et celui qui rappelle en permanence « dois-je le dire » ou « à quoi bon ? ». « À quoi bon ? » est déjà une communication, un non-dit qui en dit long. Ce miroir qui restitue l’écho d’une parole est un paradoxe, le mot silence exprime le paradoxe même de la parole. Le symbolisme paradoxal du silence est permanent. Il ponctue le rituel et il réglemente les temps de parole.

Dans le syndrome de Rett, on ne peut pas dire qu’on est dans le champ exclusif de la communication non verbale : l’adulte, l’interlocuteur, l’acteur autre que l’enfant parle.

Une vraie communication avec les proches

Le succès de la communication est cependant encore limité aux interprètes, des personnes proches des filles pouvant traduire leurs besoins et préférences. Les progrès constatés ont été possibles grâce à l’implication de tous les enfants et professionnels de santé motivés, et en s’assurant qu’on évitait la mise en échec dans des situations limites.

Ce projet a été développé dans une petite structure, sur un modèle de décision partagée avec les parents, pour assurer une continuité à domicile. Ces résultats ouvrent l’horizon des possibles en matière d’accompagnement, voire d’éducation et d’enrichissement de la vie relationnelle. La finalité de la communication est, par la dimension relationnelle et sociale, de transmettre une idée, une pensée, une émotion souvent verbalement et souvent non verbalement et tout le temps en communiquant. Nul ne peut faire l’hypothèse que la pensée n’existe pas, car la parole n’est pas là !

Ces enfants nous parlent bien ! Il y a du sens.

Dominique HÉLOIR, orthophoniste
Gaelle BONALDI, ergothérapeute
Dr Gérard NGUYEN, médecin, papa d’audrey (2016)

Liens utiles :

Démarrer avec la CAA : des ressources pour se lancer tout de suite

Vidéo "Le syndrome de Rett et la commande oculaire"

Vidéo "Syndrome de Rett & PODD"

Vidéo "Minspeak"

Vidéo "Communication et scolarisation : quelles ressources ?"

Je suis Chloé, étudiante en 5e année d'orthophonie au Centre de Formation Universitaire en Orthophonie de Clermont-Ferrand. Si vous recevez ou si vous vous apprêtez à recevoir un patient ou une patiente présentant le syndrome de Rett pour une intervention concernant la communication, alors ce livret peut vous aider.

Il comporte des fiches organisées par couleur et thématique pour vous accompagner dans votre prise en soins. Vous trouverez des informations concernant le syndrome, ses symptômes et leur impact sur la communication. Ensuite, je vous proposerai des pistes pour réaliser l'évaluation de la communication et des pistes d'intervention concrètes. Enfin, je vous présenterai une façon d'aborder le travail en partenariat avec la famille et avec les autres professionnels.

Ce projet, issu de mon mémoire de fin d'études, est né d'une rencontre que j'ai faite lors d'un stage, avec une petite fille dont le diagnostic de syndrome de Rett venait d'être posé. L'orthophoniste s'est retrouvée sans ressource pratique pour l'aider dans la prise en soins de cette petite fille. L'idée de réaliser un livret spécialement pour les orthophoniste m'est alors venue à l'esprit. Mon travail n'est pas exhaustif. Il me faudrait des années pour créer un support proposant toutes les ressources pratiques et nécessaires à cette prise en soins. Mais à travers ce livret, j'espère pouvoir vous donner quelques idées...

Je vous souhaite une belle prise en soins !

Livret de prise en charge en orthophonie

Chloé Rizo, étudiante au Centre de Formation Universitaire en Orthophonie (2025)

Il s’agit d’un document inédit dans le monde du polyhandicap francophone. C’est un ensemble de référence de bonnes pratiques pour la mise en place de systèmes de communication alternative et augmentée (CAA). Il est spécifiquement écrit pour les personnes atteintes du syndrome de Rett.

Parties 1 à 3 : Cadre éthique
Cadre du travail en équipe Informations “générales” au sujet du syndrome de Rett
Partie 4 : Stratégies pour favoriser l’engagement
Partie 5 à 8 : Recommandations pratiques concernant l’évaluation de la personne, du
dispositif de communication et de l’implémentation.

Le groupe de travail central international a été coordonné par le Centre d’expertise Rett des Pays-Bas-GKC. Les membres de ce groupe (l’équipe du projet) étaient :

  • Gillian S. Townend, PhD CertMRCSLT, Orthophoniste et chercheuse, Centre d’expertise Rett des Pays-Bas-GKC, Centre médical universitaire de Maastricht, Maastricht, Pays-Bas.

  • Theresa E. Bartolotta, PhD CCC-SLP, Orthophoniste et professeur adjoint, département d’orthophonie, École d’éducation, Université de Monmouth, NJ, États-Unis.

  • Anna Urbanowicz, PhD, Ergothérapeute et stagiaire postdoctorale VC, Centre d’études sociales et globales, École d’études sociales, urbaines et globales, Université RMIT, Melbourne, Australie.

  • Helena Wandin, PhD reg. SLP, Orthophoniste, Centre national suédois pour le syndrome de Rett et les troubles connexes, Frösön, Suède.

  • Leopold M. G. Curfs, Directeur du Centre d’expertise Rett Pays-Bas-GKC, Centre médical universitaire de Maastricht, et professeur de déficience intellectuelle, Université de Maastricht, Maastricht, Pays-Bas.

Cette version française est une version issue de la traduction du document initial effectuée par une agence de traduction assermentée rétribuée par l’Association Française du Syndrome de Rett (AFSR) ainsi que d’une relecture par les membres bénévoles du Conseil Paramédical et Educatif de l’AFSR auxquelles nous adressons nos plus sincères remerciements.