L'évolution à l'âge adulte

Adulte PriseEnCharge

L’histoire naturelle du syndrome de Rett associe classiquement quatre stades : une stagnation précoce, une rapide détérioration, une stabilisation puis une dégradation motrice tardive qui conduit souvent les patientes à un confi nement au fauteuil roulant. Jusqu’à il y a quelques années, l’espérance de vie rapportée ne dépassait pas une cinquantaine d’années avec une notion de vieillissement précoce avec en particulier l’apparition de troubles trophiques cutanés et un phénotype clinique à l’âge adulte associant classiquement une détérioration motrice lente contrastant avec une relative préservation de la communication.

Le nombre de publications sur l’évolution du syndrome de Rett à l’âge adulte est limité, mais trois études récentes font état d’une stabilisation neurologique à long terme et de survies prolongées (le décès rapporté le plus âgé est de 79 ans) (Halbach et al., 2013 ; Halbach et al., 2012 ; Lotan et al., 2010). Il est important de noter que le diagnostic peut également être porté à l’âge adulte (6 % des patientes en établissement de longs séjours dans une étude israélienne). Ces publications récentes nous apportent quelques données sur l’évolution à l’âge adulte.

L’étude qui a porté sur le plus grand nombre de patientes est une étude hollandaise, publiée en 2008 (Halbach et al., 2008) qui a consisté en une première phase descriptive d’une cohorte de 53 patientes puis d’une deuxième étude longitudinale de suivi à 5 ans (Halbach et al., 2013). Les patientes étaient âgées de 16 ans et plus avec un âge moyen de 27 ans (16-53) avec une analyse par tranche d’âge (16-20, 20-30, 30 et plus). Le diagnostic de syndrome de Rett était clinique (porté par des médecins experts en la pathologie sur la base des critères internationaux de diagnostic). La première étude a consisté en une évaluation de facteurs démographiques, des conditions de vie, des activités de la vie quotidienne, de l’état psychologique, physique, du comportement et de la dépendance à l’aide d’un questionnaire validé chez les sujets âgés avec déficience intellectuelle rempli anonymement par un parent le plus souvent ou un professionnel de santé. Les antécédents, les traitements en cours, les comorbidités et les résultats de l’analyse moléculaire génétique étaient également précisés. La deuxième étude avait pour objectifs de décrire l’histoire naturelle du syndrome de Rett à l’âge adulte, d’analyser les comorbidités et d’identifier les causes de mortalité afin d’améliorer la prise en charge.

Les résultats montrent qu’à l’âge adulte le degré de dépendance est élevé puisqu’en ce qui concerne les conditions de vie : 1/3 des patientes vivent chez leurs parents et 2/3 en institution. Seulement 3 patientes vivent à domicile avec des aides 24 heures sur 24. L’état général des patientes est considéré comme bon.

Quelques chiffres

  • Le poids est considéré comme normal pour 40 % des patientes, en-dessous de la normale pour 49 % et au-dessus pour 11 %. Seules 1/3 des patientes sont capables de s’exprimer (communication verbale ou par des signes) avec une meilleure communication chez le groupe plus âgé.

  • Les manifestations dysautonomiques sont fréquentes : des manifestations cutanées comme une impression de refroidissement des pieds sont rapportées chez 96 % des patientes.

  • Des troubles du sommeil sont présents chez 77 % des patientes avec des endormissements diurnes pour 87 %.

  • Les troubles respiratoires sont fréquents : apnées chez 38 % des patientes avec une fréquence plus faible (23 %) dans le groupe des patientes les plus âgées. Les troubles respiratoires les plus fréquents sont les épisodes de blocage de la respiration qui surviennent chez 73 % des patientes.

  • Les troubles du comportement sont fréquents : cris nocturnes (39 %), agitation (54 %) de même que les troubles de l’humeur ou l’anxiété (66 %).

  • Parmi les troubles musculo-squelettiques, la prévalence de la scoliose est très élevée (90 %), augmente avec l’âge et a nécessité une intervention dans 36 % des cas. Une étude publiée en 2003 (Kerr, 2003) avait rapporté 87 % de scoliose à 25 ans. La mobilité apparaît très limitée chez l’ensemble des patientes.

  • Une ostéoporose précoce a été décrite dans cette population : une étude réalisée en 2006 chez 35 patientes âgées de 2 à 39 ans a montré que l’ostéopénie (avec diminution de la densité minérale osseuse) était liée à l’âge et débutait vers l’âge de 7 ans.

  • La spasticité est fréquente (52 %) et touche les membres supérieurs et inférieurs. Des déformations des pieds ont été rapportées chez 60 % des patientes.

  • La fréquence de l’épilepsie est élevée (75 %) dans cette étude avec 95 % des patientes traitées. D’autres études rapportent une diminution de la fréquence et de la sévérité des crises avec l’âge et les auteurs insistent sur la nécessité d’évaluer les manifestations paroxystiques qui sont souvent reliées par excès à l’épilepsie.

Ornella avec sa maman
Ornella et sa maman

Une étude publiée en 2009 (Vignoli et al., 2009) a analysé l’évolution des stéréotypies à l’âge adulte chez 12 patientes âgées de 14 ans et plus. Les auteurs rapportent une diminution des stéréotypies avec l’âge (après 10 ans) et une simplification en parallèle avec l’apparition d’une possible rigidité. En effet il a été décrit dans cette affection une évolution d’un stade hyperkinétique à un stade hypokinétique et l’apparition de différents mouvements anormaux au cours de l’évolution de la maladie, comme les stéréotypies, un tremblement, des mouvements choréiques, des myoclonies, une ataxie, des postures dystoniques et une rigidité avec une corrélation phénotype génotype pour les formes dystoniques et akinéto rigides plus fréquentes chez les patientes présentant une délétion du gène (Temudo et al., 2008).

L’étude longitudinale à 5 ans (Halbach et al., 2013) confirme le haut degré de dépendance, avec une autonomie limitée pour les activités de la vie quotidienne, mais stable sur 5 ans. L’état de santé général s’est amélioré de façon significative dans le groupe des femmes les plus âgées. Les hospitalisations (10 au total) sont le plus souvent liées à des complications pulmonaires, qui représentent une des causes majeures de décès dans cette population.

Durant le suivi de 5 ans, 7 patientes sont décédées, avec un âge moyen de 27 ans et une incidence élevée de morts subites liées aux troubles dysautonomiques (troubles respiratoires, troubles du rythme cardiaque…). Quelques patientes ont bénéficié d’interventions chirurgicales essentiellement pour des problèmes orthopédiques ou dentaires. La plupart des patientes ont une alimentation orale (avec aide), seulement quatre patientes sont nourries par sonde. Le poids s’est normalisé chez certaines patientes puisque 59 % ont un poids normal dans l’étude à 5 ans. La communication reste difficile (langage chez 22 %) avec un nombre identique. Les manifestations dysautonomiques (troubles respiratoires, cutanés, du sommeil, du comportement, hypersalivation) sont stables à 5 ans ou améliorées en particulier pour les troubles respiratoires (hyperventilation, apnées). Une amélioration de l’épilepsie est constatée dans le groupe des femmes les plus âgées (en moyenne après 40 ans) et une détérioration dans le groupe des femmes les plus jeunes. L’évaluation neuropsychologique montre une amélioration de la mobilité, de la mémoire, de l’attention et du comportement comparable à ce qui est rapporté habituellement dans la littérature surtout dans le groupe des femmes les plus âgées.

Conclusion

Le passage de l’enfant ou l’adolescent à l’adulte est souvent une période difficile (quelle que soit la pathologie) avec le choix de l’orientation dans un lieu de vie, la reconnaissance du handicap, la poursuite de la prise en charge rééducative, la mise en place de mesures de protections juridiques…

Une évaluation pluridisciplinaire est donc souvent indispensable à cette période en particulier : neurologique, psychologique, de médecine physique, neuropsychologique, kinésithérapique, orthophonique et sociale. Les manifestations cliniques spécifiques de l’adulte atteint d’un syndrome de Rett nécessitent une évaluation et une prise en charge adaptées.

  • Les manifestations paroxystiques doivent être réévaluées pour confirmer leur origine épileptique ou non (EEG vidéo) et le traitement antiépileptique adapté.

  • Une prise en charge kinésithérapique pluri-hebdomadaire est indispensable pour rééducation de la statique vertébrale (scoliose et/ou cyphose), rééducation de la marche (favoriser la préservation de la marche, verticalisation), entretien des amplitudes articulaires, prévention des rétractions liées à la spasticité et prévention des déformations.

  • La recherche et le traitement d’une ostéoporose doivent se faire de façon précoce avant l’âge de 10 ans. Il est indispensable de maintenir un apport calorique suffi sant.

  • Une rééducation orthophonique est nécessaire pour maintenir et/ou entretenir la communication (verbale ou non) et pour les problèmes de déglutition.

  • Un bilan ergothérapique est souhaitable chez toutes les patientes.

  • Et une recherche de maladies associées est recommandée (HTA et diabète), bien que peu fréquentes dans ces séries.

Dr Perrine CHARLES, neurologue (2016)
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