Le syndrome de Rett est une des pathologies neurologiques à handicap neuropsychomoteur les plus étudiées du point de vue de la masse osseuse. Même si les médecins et les patients ont amélioré leur connaissance de l’ostéoporose, cette complication fréquente et précoce du syndrome de Rett, il est crucial de coordonner nos efforts pour l’intégrer dans la prise en charge quotidienne et à long terme du handicap.
Les pathologies neurologiques sévères et le syndrome de Rett ont plusieurs complications osseuses : l’ostéoporose, les fractures, la scoliose, les déformations osseuses et rétractions tendineuses et les subluxations articulaires (surtout les hanches).
Les fractures sont une complication fréquente chez les enfants atteints de handicap neurologique sévère (5 à 40 % des enfants (King et al., 2003) ; 40 % des patients âgés de plus de 15 ans ont eu au moins une fracture (Leonard et al., 1999)). Les filles atteintes du syndrome de Rett sont très concernées car il est désormais formellement démontré qu’elles font beaucoup de fractures, et pour des traumatismes mineurs. Dans un article de review récent sur le sujet la fréquence de fractures selon les études était d'un minimum de 13,9 % à un maximum de 36,1 % (Gonnelli et al. 2023). Dans une étude française, 27 des 83 filles Rett examinées ont eu au moins une fracture. Les fractures se produisent le plus souvent sur les os longs, fémur, jambes et bras et aussi au niveau du rachis (fractures/tassements vertébraux) (Linglart et al., 2009 ; Roende et al., 2011, Gonnelli et al. 2023) pour des traumatismes peu violents (fractures spontanées, pas de traumatisme retrouvé ou encore chute de sa hauteur). Ces fractures sont douloureuses, elles impliquent une prise en charge chirurgicale ou même simplement orthopédique qui va diminuer la mobilité de l’enfant pendant plusieurs semaines. Le retentissement d’un tel événement sur la vie quotidienne n’est donc pas négligeable. Le coût de ces fractures est également important (plusieurs milliers d’euros) (Hansen et al., 2013). En outre, comme certaines patientes atteintes du syndrome de Rett ont une sensibilité réduite à la douleur et ont des difficultés à communiquer leur inconfort, il peut être difficile de diagnostiquer les fractures.
Les fractures sont le reflet d’une masse osseuse insuffisante et souvent profondément diminuée comme cela a été montré dans plusieurs études (Roende et al., 2011 ; Jefferson et al., 2011) (données personnelles). La survenue d’une fracture dans ce contexte permet de prédire des fractures ultérieures (Brunner and Doderlein, 1996). Plusieurs facteurs contribuent à la survenue de ces fractures, l’absence ou le peu de mobilité, la ration calorique, la quantité de calcium et de vitamine D absorbée, le statut hormonal de l’enfant et, un facteur génétique, c’est-à-dire un rôle direct ou indirect d’une altération du gène MECP2 dans la formation et/ou le maintien de la masse osseuse.
Il est donc important de dépister précocement la déminéralisation osseuse et de la prendre en charge afin de limiter au maximum le risque fracturaire.
L’os est un organe en constant renouvellement. Alors que la minéralisation progresse, des travées osseuses se forment qui confèrent à l’os toute sa solidité. Dans le même temps, certaines cellules détruisent l’os existant, laissant la place libre à une nouvelle construction. Lors de la croissance, le phénomène de minéralisation est plus actif que la résorption osseuse et permet de constituer le capital « masse osseuse ». Pendant la vie adulte, ces deux mécanismes continuent mais sont équilibrés. Enfin, après la ménopause, a résorption osseuse devient prédominante par rapport à la construction. Il est donc primordial, dans l’objectif d’un vieillissement serein, de constituer la meilleure masse osseuse possible pendant l’enfance.
La survenue d’une perturbation dans ce renouvellement cyclique conduit à un état pathologique de l’os. Ainsi lorsque la résorption osseuse est plus active que la minéralisation (cela peut être simplement une baisse de la minéralisation), l’os évolue vers l’ostéoporose. La densité osseuse se mesure à l’aide des différentes techniques décrites ci-dessous, et l’importance de la perte osseuse a ainsi été arbitrairement définie. Chez l’adulte, l’ostéopénie désigne une densité osseuse entre -1,5 et -2,5 DS, l’ostéoporose désigne une densité osseuse inférieure à -2,5 DS. Ces seuils ont été déterminés parce qu’en dessous de -2,5 DS le risque de se casser devient très important. Chez l’enfant, la définition est différente : l’ostéoporose correspond à une densité osseuse en dessous de -2 DS associée à deux fractures non graves (bras, poignets) ou une fracture grave (fémur) ou une fracture tassement vertébrale quelque soit la valeur de la DMO (Shaw N. et al, 2014).
Ce que l’on connaît de l’ostéoporose du syndrome de Rett
Plusieurs équipes différentes ont montré une diminution significative de la densité osseuse des enfants atteints de syndrome de Rett, malgré une supplémentation calcique et vitaminique D correctes, suggérant qu’il existe une véritable pathologie de l’os dans cette affection. En effet, dans l’étude de Haas, la déminéralisation est plus importante (0,75 ± 0,042 g/cm2) chez les filles Rett que dans les autres types de polyhandicap (0,93 ± 0,173 g/cm2) (Haas et al., 1997). Lorsque la densité osseuse de 20 enfants ayant un syndrome de Rett est mesurée à différents âges, il n’y a aucune augmentation au cours du temps. La densité minérale osseuse des enfants atteints de syndrome de Rett reste dans des valeurs de 0,7-0,8 g/cm2 tandis que celle des 25 enfants contrôles atteint 1 à 1,2 g/cm2. Cette observation suggère que le pic de minéralisation qui se fait normalement à l’adolescence, ne se déroule pas correctement chez les enfants ayant un syndrome de Rett. D’une manière plus générale, la majorité des enfants avec handicap sévère et ne marchant pas ont une déminéralisation. 97% des enfants de plus de neuf ans ont une densité osseuse inférieure à -2 DS, cette déminéralisation prédomine au fémur et est moins sévère au rachis (Fehlings et al., 2012). Comme mentionné ci-dessus l’ostéoporose du syndrome de Rett se manifeste par des fractures, fréquentes et se produisant souvent négligé ou difficile à évaluer est la douleur. La fragilité osseuse est douloureuse, même en l’absence de fractures. Peu spécifiques, ces douleurs peuvent se manifester par une attitude en retrait, des pleurs inexpliqués, une diminution de la prise alimentaire, un refus de marcher ou de la verticalisation, des réveils nocturnes, des douleurs au moment des transferts, des changes, des positionnements.
L’ostéoporose est donc une complication fréquente du syndrome de Rett, dont l’incidence et la sévérité augmentent avec l’âge de l’enfant.
Biologiquement, il existe différents marqueurs qui permettent de déterminer la nature d’une ostéopénie : s’agit-il d’un défaut de la minéralisation, d’un excès de la résorption osseuse, ou de la combinaison des deux ? Il n’a pas été observé de variation significative des paramètres biologiques du métabolisme phospho-calcique (calcium, phosphore, vitamine D) ; la formation osseuse semble diminuée (Roende et al., 2013) et la résorption osseuse augmentée (calciurie, D-pyridinolines urinaires) chez les enfants ayant une ostéoporose et un syndrome de Rett (expérience personnelle). Les études portant sur les enfants avec souffrance cérébrale sont plus nombreuses et confirment que les mécanismes à l’origine de cette ostéoporose sont multiples et incomplètement compris. L’analyse histologique de biopsies osseuses effectuée chez trois enfants ayant un syndrome de Rett à l’occasion d’une intervention pour scoliose a montré une diminution de la formation osseuse de même qu’une diminution de la destruction osseuse (nombre d’ostéoclastes diminué), sans montrer de pathologie osseuse spécifique de la maladie (Budden and Gunness, 2003).
Même si le mécanisme exact de l’ostéoporose des enfants avec le syndrome de Rett est en cours d’élucidation, plusieurs facteurs favorisant cette déminéralisation osseuse sont, eux, bien connus et à connaître afin de les prévenir ou les traiter. Les facteurs mécaniques et nutritionnels sont des facteurs majeurs favorisant l’ostéoporose, dont le rôle a été statistiquement démontré chez les enfants atteints de souffrance cérébrale et dans le cadre du syndrome de Rett (Jefferson et al., 2011 ; Downs et al., 2008).
Facteurs mécaniques
La station debout et la marche sont des composants essentiels de constitution de la masse osseuse au cours de la croissance. Les muscles exercent également des forces mécaniques qui favorisent l’accrétion osseuse. L’immobilité entraîne une perte musculaire et donc une moindre action des muscles sur l’os. Le degré de mobilisation et de masse musculaire est clairement corrélé à la masse osseuse chez les enfants atteints de handicap neurologique sévère (Tasdemir et al., 2001). De plus, lorsque la prise en charge des enfants favorise la station debout, on peut observer en huit mois une amélioration significative de la masse osseuse au niveau du rachis et du fémur. Le statut ambulatoire des patients joue donc un rôle majeur pour leur masse osseuse. Lors de cette période de croissance, cruciale pour la constitution du capital osseux, le maintien d’une activité physique active ou passive, la position debout, et lorsque cela est possible, la marche, sont des éléments de la prise en charge quotidienne primordiaux pour l’acquisition de la masse osseuse et son maintien.
Facteurs nutritionnels
L’état nutritionnel des enfants, évalué par la quantité de calories absorbées, l’index de masse corporelle ou l’épaisseur du pli cutané, semble être le second facteur, après la mobilisation, déterminant la masse osseuse. Les enfants difficiles à nourrir, ou ayant une nutrition entérale par sonde sont, dans l’étude de Henderson (Henderson et al., 2002), associés aux masses osseuses au col fémoral les plus basses. En revanche, le fait d’avoir eu, dans le passé, des épisodes de nutrition difficile ou par sonde, ne semble pas influencer la masse osseuse. Ceci sous-entend que le facteur nutritionnel peut être corrigé par une prise en charge adaptée. Des apports calciques insuffisants contribuent également mais dans une moindre mesure au déficit de masse osseuse (Henderson et al., 2002). Le taux de vitamine D des enfants avec handicap neurologique majeur ou syndrome de Rett est variable d’une étude à l’autre, parfois normal, parfois abaissé (Roende et al., 2013 ; Sarajlija et al., 2013). Il semble cependant que les taux bas soient associés à un nombre plus grand de fractures (Bischof et al., 2002). D’autre part, le taux de vitamine D augmente peu en période estivale, témoignant probablement d’une faible exposition solaire de ces enfants. Les traitements anticonvulsivants peuvent influer sur la masse osseuse, essentiellement en diminuant l’absorption de la vitamine D (Downs et al., 2008). L’ostéopénie des enfants avec syndrome de Rett semble plus profonde lorsqu’il y a un traitement anticonvulsivant associé (-2,21 versus -1,23 DS) (Leonard et al., 1999).
Statut hormonal
Régulière jusqu’à la puberté, la croissance osseuse (longueur, épaisseur, contenu minéral) s’accélère au cours de la puberté («pic d’accrétion osseuse »), puis se poursuit plus lentement jusqu’à environ 30 ans. Le déroulement de la puberté est donc un facteur important de constitution du capital osseux chez tous les enfants. Le moment où celle-ci se déroule est également essentiel (Bonjour et al., 1991). Comme pour tout enfant, il faut donc être attentif au déroulement de la puberté, et prendre en charge les retards pubertaires. Il n’y a pas à proprement parler de dysfonctionnement pubertaire dans le syndrome de Rett. En moyenne, les seins apparaissent vers 11 ans, et les règles vers 14 ans. Comme dans toute population il y a des variations importantes, et le faible poids est associé à des règles plus tardives (Holm, 1986 ; Knight et al., 2013).
Facteurs génétiques
Il a été suggéré depuis plusieurs années que les enfants avec un syndrome de Rett avaient une ostéoporose plus sévère que les autres enfants avec handicap psychomoteur. D’autre part, plusieurs auteurs ont observé des anomalies morphologiques osseuses mineures mais qui peuvent contribuer à établir le diagnostic : raccourcissement des métacarpiens ou des métatarsiens (Leonard et al., 1999). Plusieurs études menées sur l'homme et l'animal ont montré qu'une activité anormale des ostéoblastes entraînait une diminution du taux de formation osseuse, par opposition à une augmentation de la résorption osseuse. Ces études soutiennent l'idée que la mutation MECP2 pourrait être associée à une altération de la régulation épigénétique des facteurs et des voies de signalisation liés à l'os, le système RANKL/RANK/OPG [6]. Par conséquent, les personnes atteintes du syndrome de Rett ont souvent une masse et une densité osseuses inférieures à celles des femmes de la population générale. En conséquence, le taux de fracture est presque quatre fois plus élevé, que celui de l'ensemble de la population. Caffarelli et al. ont rapporté que le nombre de patients présentant des fractures de fragilité prévalait dans le groupe présentant les mutations les plus sévères (c'est-à-dire R270X, R168X, R255X et R106T) par rapport aux sujets présentant des mutations moins graves (T158 M, R133C, R306C et R294X) (Gonnelli et al. 2023).
Cependant, le rôle des facteurs nutritionnels, mécaniques et le statut vitaminique dans la minéralisation du squelette dépasse de très loin celle du type de mutation de MECP2 ; ce sont, de plus, des facteurs sur lesquels il est possible d’agir.
Facteurs médicamenteux
Plusieurs études ont rapporté que l'utilisation de médicaments antiépileptiques chez les patients atteints du syndrome de Rett augmentait le risque de fractures pathologiques (Gonnelli et al. 2023). En particulier, la phénytoïne, phénobarbital et la carbamazépine. Ces AED qui induisent le cytochrome P450 sont liés à une faible masse osseuse et à une sont liés à une faible masse osseuse et à une carence en vitamine D, ce qui augmente le risque de fracture.
Nous disposons actuellement de différents moyens pour évaluer la masse osseuse. Plus que pour établir un diagnostic, ces techniques sont utilisées pour évaluer la sévérité de la déminéralisation et suivre l’évolution des patientes qu’elles soient traitées ou non. Le choix d’une méthode d’évaluation dépend donc de plusieurs critères : l’enfant, sa mobilité, la nécessité de normes internationales (dans le cadre d’une étude par exemple), la disponibilité des différentes techniques. Chez l’enfant, la densité osseuse est surtout évaluable au niveau du rachis ; chez l’adulte, les mesures de densité au rachis et au col fémoral (site privilégié des fractures) sont possibles. Dans le cas du syndrome de Rett, la fréquence de la scoliose et du matériel d’arthrodèse, la fréquence des fractures fémorales, font que l’on demande toujours une densité osseuse aux cols fémoraux (et au rachis quand c’est possible). Il n’existe pas actuellement de règle précise concernant le moment le plus opportun pour effectuer une mesure de la masse osseuse. Cependant plusieurs critères doivent inciter à faire cette mesure :
La constatation d’une déminéralisation sur des radiographies ;
La survenue d’une fracture quelle qu’elle soit ;
L'existence de douleurs inexpliquées ou nocturnes ;
La préparation d’une arthrodèse.
Le fait d’avoir un ou plusieurs facteurs de risque d’ostéoporose (immobilité, difficultés nutritionnelles) devrait également inciter à réaliser une mesure de la densité osseuse. Il n’y a pas d’âge limite pour faire cet examen. Chez les enfants très jeunes (avant 5 ans), nous utilisons plutôt la densitométrie au scanner. Des études d’évaluation sont cependant nécessaires pour préciser les indications, le coût et le retentissement de ces explorations.
La radiographie standard
C’est souvent sur une radiographie effectuée pour la scoliose ou pour une fracture que l’ostéoporose est suspectée, devant une transparence osseuse excessive, une diminution de l’épaisseur corticale. Il existe des scores publiés pour quantifier la densité osseuse sur une radiographie du rachis, du fémur ou de la main (Leonard and Shore, 2003). L’index cortical est le plus utilisé (épaisseur de la corticale/diamètre total). Cette méthode est très peu précise et ne permet pas d’effectuer un suivi évolutif de qualité.
Dual-Energy X-Ray Absorptiometry, (DEXA) ou absoptiométrie biphotonique25
C’est la méthode d’évaluation la plus performante, et probablement la plus proche de la vérité. Elle a les avantages d’un moindre coût, d’une faible irradiation et d’une bonne reproductibilité. Elle permet d’évaluer le contenu minéral osseux, qui, ramené à la surface de l’os exploré, s’exprime en densité minérale osseuse (BMD ou Bone Mineral Density). Il existe des normes pour l’enfant, en fonction de l’âge et de l’appareil utilisé. La mesure de la densité osseuse au niveau des vertèbres est la plus consensuelle. Il faut utiliser également la mesure au col fémoral. Cependant, plusieurs facteurs limitent l’utilisation de cette technique et son interprétation tout particulièrement chez les filles Rett. La variation de taille des os au cours de la croissance influence les résultats. Ceux-ci peuvent également varier de 4 à 13 % si l’enfant bouge. Le matériel orthopédique utilisé pour le traitement de la scoliose peut gêner les mesures au niveau des vertèbres. D’autre part la composition des tissus mous peut faire varier l’absorption des photons ; en cas de maigreur extrême, cela peut fausser les résultats (variations de 10 %).
La tomodensitométrie quantitative (QCT ou Quantitative Computed Tomography)
Cette technique mesure, avec un appareil de scanner, la densité osseuse sur deux à trois coupes vertébrales de quelques millimètres d’épaisseur. Malgré des progrès importants, elle entraîne une irradiation plus importante que l’absorptiométrie, le coût en est nettement plus élevé et l’accès généralement limité. Il n’existe, de plus, pas de normes réellement établies pour l’enfant en croissance, il dépend donc du service de radiologie d’établir des normes sur son propre appareil. En dépit des ces importantes contraintes, la tomodensitométrie permet une mesure fiable de la densité osseuse, non ou peu dépendante des tissus environnants, peu influencée par la croissance, et s’effectuant sur un temps court, ce qui constitue un avantage certain dans le cas du syndrome de Rett et des enfants atteints d’infirmité motrice cérébrale en général.
Les mesures non spécifiques et la supplémentation en vitamine D sont des mesures quotidiennes qui sont destinées à prévenir l’ostéoporose, peut-être éviter qu’elle ne s’aggrave, plus qu’à la traiter. Elles doivent s’appliquer à toutes les filles Rett. Les traitements actifs destinés à traiter l’ostéoporose comme les bisphosphonates sont utilisés dans certaines situations particulières exposées ci-dessous.
Les mesures non spécifiques
Elles sont destinées à prévenir la perte osseuse, et doivent être appliquées qu’il y ait eu un diagnostic d’ostéoporose ou non. En résumé, elles sont destinées à toutes les filles Rett. La lutte contre l’immobilité est primordiale. La station debout permet au poids du corps d’exercer des forces sur le squelette. La croissance musculaire doit être favorisée au maximum par l’activité physique.
L’os a besoin de protéines et de calcium apportés par l’alimentation pour assurer son renouvellement. La prise en charge nutritionnelle, du domaine des nutritionnistes, est donc essentielle pour le métabolisme osseux.
La supplémentation calcium et vitamine D
Peu d’études ont évalué l’impact d’un traitement par vitamine D et/ou calcium chez les enfants avec handicap neurologique. Il en ressort néanmoins que ce traitement améliore nettement la densité osseuse lorsque les enfants sont initialement déficients en vitamine D, ou lorsqu’ils reçoivent un traitement anticonvulsivant (Jekovec-Vrhovsek et al., 2000). Il est important de maintenir des taux sériques de 25 OH-vitamine D dans les valeurs normales, particulièrement chez les enfants peu ou non exposés au soleil. Les apports quotidiens recommandés de calcium et de vitamine D sont reportés dans le tableau 2. Il existe plusieurs façons d’assurer une supplémentation correcte en vitamine D pour une jeune fille/femme Rett. Dans notre expérience, l’administration d’une ampoule à 100 000 UI de vitamine D tous les trois mois est à la fois simple et efficace.
Apports nutritionnels conseillés en calcium en fonction de l’âge :
Âge | Apports journaliers recommandés |
1-3 ans 4-6 ans 7-9 ans 10-19 ans | 500 mg/j 700 mg/j 900 mg/j 1200 mg/ |
Les bisphosphonates
Les bisphosphonates sont des agents anti-résorption osseuse. Ils agissent principalement en se déposant sur la ligne de minéralisation de l’os, sont phagocytés par les ostéoclastes et entrainent l’apoptose de ces cellules. La diminution du nombre d’ostéoclastes actifs aboutit donc à la diminution de la destruction osseuse. Il existe plusieurs types différents de bisphosphonates, le premier traitement utilisé était l’étidronate, actuellement supplanté par le pamidronate (Arédia®), l’alendronate (Fosamax®) ou même le zolédronate (Zometa®) qui ont un pouvoir anti-résorptif 5 à 10 000 fois plus puissant. Ces traitements ont démontré leur efficacité dans le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique et en pédiatrie dans l’ostéogenèse imparfaite (maladie des os de verre) (Glorieux et al., 1998) et le polyhandicap (Plotkin et al., 2006). Depuis quelques années, différentes études soutiennent l’utilisation des bisphosphonates comme traitement de l’ostéoporose des enfants avec handicap neuro-psychomoteur (Plotkin et al., 2006 ; Shaw et al., 1994). En 2002, Henderson et ses collaborateurs (Henderson et al., 2002) ont publié les résultats d’un essai thérapeutique rigoureux chez 12 enfants ayant un handicap neuropsychomoteur. Ils ont ainsi pu montrer une amélioration significative de la densité osseuse fémorale de -4 ± 0,6 DS à -1,8 ± 1 DS, après 18 mois de traitement par pamidronate intra-veineux. Le groupe contrôle, non traité, n’a pas modifié sa densité osseuse en 18 mois. Il n’existe aucune étude chez des enfants atteints de syndrome de Rett, cependant ce traitement a été ponctuellement utilisé avec de bons résultats sur la densité osseuse et surtout la diminution des fractures (expérience personnelle). Il faut garder à l’esprit que l’objectif final est la diminution du nombre de fractures et qu’actuellement, aucune étude n’a été en mesure d’étudier formellement ce paramètre. Le troisième facteur à prendre en compte dans la décision d’un traitement par bisphosphonates chez une fille Rett est l’effet antalgique sur les douleurs de l’ostéoporose. Cet effet antalgique a été clairement démontré pour les douleurs de métastases osseuses ou les do leurs e fragilité osseuse de l’ostéogenèse imparfaite (Forin et al., 2005).
Étant donné que ce traitement n’a pas l’AMM chez l’enfant, la décision de proposer un traitement par bisphosphonates relève actuellement des équipes spécialisées. Elle se discute essentiellement devant les trois situations suivantes :
La survenue d’une fracture quelle qu’elle soit ;
Des douleurs osseuses ;
Ou la préparation d’une arthrodèse.
La plupart des auteurs rapportent une excellente tolérance de ce traitement. À ce jour, environ une centaine d’enfants ayant une ostéoporose dans un contexte de polyhandicap (dont des patientes avec un syndrome de Rett) ont reçu un traitement par bisphosphonates intraveineux à l’hôpital Bicêtre (le Kremlin- Bicêtre). Presque tous ont présenté un syndrome fébrile lors de la première perfusion, résolutif sous paracétamol, tous ont également présenté une baisse significative de la calcémie. Comme dans la littérature pédiatrique, nous n’avons eu aucune pathologie dentaire.
Les bisphosphonates semblent être une véritable option thérapeutique dans l’ostéoporose associée au handicap neurologique, leur utilisation est cependant en cours d’évaluation.
L’avenir
Il existe plusieurs molécules qui ont des propriétés anti-résorptives comme les anti RANKL (Ensrud and Schousboe, 2011). La parathormone recombinante (teriparatide) a été utilisée avec succès dans l’ostéoporose de la femme ménopausée, elle favorise la minéralisation osseuse (Bilezikian et al., 2005) et réduit significativement le risque de fracture vertébrale et non vertébrale. Bien que le tériparatide ne soit pas approuvé pour les patients pédiatriques et que des inquiétudes subsistent quant à son utilisation chez des sujets dont l'épiphyse n'est pas scellée, des études précliniques sur des modèles murins (Gonnelli et al. 2023) et humains soutiennent l'idée d'étudier son utilisation dans le traitement de l'ostéoporose associée au syndrome de Rett.
Conclusion
L’ostéoporose est une complication mal connue du syndrome de Rett. Elle est certainement liée au handicap psychomoteur mais également l’altération du gène MECP2. La lutte contre les facteurs pouvant favoriser la perte osseuse (immobilité, dénutrition, carence en vitamine D) est primordiale pour éviter la survenue des fractures qui altèrent de façon importante la qualité de vie des filles Rett.
La fréquence de l’ostéoporose est élevée chez les filles Rett (évaluée autour de 80 %). Elle justifie qu’on évalue la masse osseuse de ces enfants, surtout s’il existe des facteurs favorisants la perte osseuse (immobilité, traitement anticonvulsivant) ou si une chirurgie orthopédique est envisagée. Dans ce dernier cas, l’évaluation devrait être faite au moins un an avant l’acte chirurgical afin de permettre une intervention thérapeutique (renutrition, correction d’une carence en vitamine D, ou même bisphosphonates) si besoin. Les bisphosphonates constituent de véritables traitements de l’ostéoporose et ont été employés avec succès chez l’enfant et leur efficacité est en cours d’évaluation dans le cadre précis du syndrome de Rett. De nouvelles options thérapeutiques pour traiter l’ostéoporose dans le contexte d’un syndrome de Rett sont en cours d’évaluation.
Une revue récente parue dans la revue Children (Bone Fracture in Rett Syndrome : Mechanisms and Prevention Strategies ») en 2023 résume les connaissances actuelles sur l’ostéoporose