La consultation à visée orthopédique et rééducative est un moment d’échange, d’informations mutuelles, de compréhension et d’écoute des demandes parentales pour leur fille avec laquelle ils aspirent à avoir une vie familiale la plus normale possible.
Son but est d’appréhender au mieux les besoins de l’enfant sur le plan orthopédique et rééducatif, et en particulier de déterminer les besoins en appareillage pour guider au mieux la croissance et le développement dans le contexte de vie quotidienne.
Les informations à recueillir :
Ces informations vont influer sur les orientations rééducatives et la conception de l’appareillage :
Les tailles : vertex-talon et vertex-ischion (afin d’évaluer l’évolutivité des déformations en fonction de la croissance osseuse), le poids, le stade de maturation ;
L'âge et les acquisitions psychomotrices : ce qu’elle faisait avant et ce qu’elle est capable de faire maintenant ;
Les pathologies associées : reflux gastro-œsophagien, constipation, troubles de la déglutition, infections ORL ou broncho-pulmonaires à répétition, problèmes cardiocirculatoires, existence d’une épilepsie équilibrée ou non.
Les traitements médicamenteux, une éventuelle supplémentation vitaminique D et son suivi ;
Les capacités sensorielles, visuelles, auditives ;
La détection d’un déséquilibre dentaire, d’un bruxisme ;
Les antécédents chirurgicaux ;
Les antécédents fracturaires éventuels
L’installation habituelle et le comportement postural de l’enfant observé :
- Au cours de la journée : Lors des sorties, promenades, au cours de la toilette ? Comment est-il pris à bras ? Comment est-il assis pendant le temps repas ? Comment est-il couché lors de la sieste ? Est-il verticalisé et dans quelles conditions ?
- La nuit : Dort-il bien et combien de temps ? Bouge-t-il beaucoup et dans quelle position l’installe-t-on pour dormir ? Comment le retrouve-t-on le matin au réveil ?
Mais aussi :
Les manifestations habituelles d’une souffrance ?
L’existence de radiographies et d’appareillage(s) antérieur(s) ?
L'existence de difficultés de prise en charge en kinésithérapie ? ou lors d’autres prises en charge
Les questions sur les habitudes de vie sont essentielles pour apprécier au mieux les choix et objectifs de l’appareillage, car ces comportements posturaux quotidiens et perpétuellement répétés s’additionnent représentant ainsi en durée sur une journée, beaucoup plus qu’une séance de kinésithérapie !
Ces comportements, ces postures ont déjà influencé (quand on découvre l’enfant) et influenceront encore inévitablement la croissance osseuse de l’enfant.
L’examen clinique orthopédique et rééducatif
On s’appuie généralement sur un bilan radiographique de rachis total de face et/ou de profil que l’on couple à notre examen clinique.
L’enfant doit être vu systématiquement dans sa globalité. Le médecin se doit, en l’examinant, de réfléchir à l’impact du quotidien et des effets gravitaires (bien souvent auto aggravants) sur sa croissance ostéo-articulaire pour modifier ces paramètres.
Les articulations étant reliées les unes aux autres par des chaînes myotendineuses, « le bas influencera le haut et le haut influencera le bas ». Les ceintures scapulaire et pelvienne sont des zones charnières clefs qui, subissant des tractions musculaires asymétriques, entraîneront le rachis en torsion, plus ou moins rapidement. D’une simple attitude scoliotique réductible, on passera à une scoliose vraie qui évoluera d’autant plus rapidement que les déséquilibres musculaires n’auront pas été maîtrisés. Ainsi, une tenue de tête est en grande partie dépendante du positionnement pelvien, lui-même sous la dépendance de ce qui se passe aux membres inférieurs.
Le médecin commencera l’examen de façon systématique, l’enfant étant placé sur le dos. Il jugera de la posture spontanée (positionnement des ceintures scapulaire et pelvienne, de la tête et des membres dans les plans sagittal et frontal), des dominances toniques musculaires et il évaluera leurs conséquences potentielles sur le développement squelettique.
Il examinera les pieds pour remonter progressivement jusqu’à la tête, chaque articulation étant testée dans ses amplitudes, de même que le tonus des muscles ainsi étirés. Il sera particulièrement attentif au retentissement de chaque mobilisation articulaire sur les ceintures pelvienne (pour les membres inférieurs) et scapulaire (pour les membres supérieurs). Ainsi, ce ne sera pas seulement la mesure angulaire d’une amplitude articulaire et l’évaluation d’une spasticité qui seront recueillies, mais aussi et surtout, leur retentissement postural et les capacités de correction.
L’enfant Rett ayant la particularité d’être à certains moments « oppositionnel », le médecin reviendra plusieurs fois sur une articulation qui ne lui paraîtra pas ou peu mobilisable. Il sera attentif à expliquer ce que l’on constate aux parents au fur et à mesure de l’examen. Il évaluera également toute asymétrie du squelette témoignant de postures vicieuses longtemps maintenues (déformations costales, thoracique ou dorsale, bascule des ceintures, éventuelle inégalité de longueur des membres inférieurs témoignant d’une luxation et/ou d’une bascule pelvienne franche ou d’attitudes vicieuses irréductibles d’un membre inférieur par rapport à l’autre, torsions et désaxations).
Fort de ces informations, le médecin évaluera l’enfant à nouveau sur le plan postural pour juger de l’effet gravitaire en position couchée sur le côté droit puis le gauche, voire les positions ¾ droit et gauche lorsqu’il existe une scoliose ou une luxation de hanche. Il appréciera l’amélioration ou non de l’équilibre rachidien en fonction du positionnement des membres inférieurs et en tenant compte des observations précédentes.
Puis l’enfant sera observé en position ventrale quand cela est possible ;
Ensuite en station assise plus ou moins tenue, selon ses capacités ;
Et enfin, en position debout en charge, plus ou moins soutenue ;
Et éventuellement à la marche, selon les formes cliniques présentées.
À partir de chaque position, le professionnel tentera de modifier un paramètre pour juger des capacités d’amélioration voire de correction d’un déséquilibre. Pour l’enfant assis, le positionnement pelvien retiendra son attention et pour l’enfant debout, ce sera le positionnement podal en appui et leur capacité à être corrigé. Il aura à chaque fois, une observation globale de l’enfant, de la zone d’appui vers le haut.
À l’issue de ce bilan, seront prescrits :
Les différentes prises en charge rééducatives précisant les objectifs communs et les orientations du travail spécifique demandé à chacun des rééducateurs et l’appareillage nécessaire.
L’appareillage
Le médecin doit être attentif à tout déséquilibre postural systématiquement retrouvé et agir sans attendre pour que la croissance soit guidée de façon équilibrée. Que cela soit repéré sur une tenue de tête ou un pied, l’attitude doit être la même : ne pas laisser s’organiser et se fixer ce qui, au départ, est adaptatif d’un problème d’asymétrie tonique musculaire et réductible.
L’appareillage constitue un des outils dont on dispose pour orienter et diriger la croissance du squelette mis à mal par les asymétries toniques musculaires et troubles du tonus. C’est le « tuteur ou guide » qui tend à rééquilibrer la posture, soit par stimulation, soit par inhibition des chaînes musculaires, soit par réflexe postural, soit par utilisation positive de l’effet gravitaire.
Il devra être adapté pour que les parents au domicile et les tierces personnes s’occupant de l’enfant en structure d’accueil les utilisent quotidiennement. Il sera prescrit en accord avec les parents à l’issue du bilan orthopédique et doit être contrôlé et validé par le prescripteur. Ce dernier doit travailler étroitement avec l’orthoprothésiste et/ou le podo-orthésiste à qui seront précisés:
Les objectifs,
Les éléments nécessaires à prendre en compte pour les atteindre avec une bonne tolérance cutanée et musculaire,
Les angulations et les rééquilibrations à obtenir.
Lors de la livraison, la technique de mise en place de l’appareillage sera montrée et expliquée. Le port sera progressif au départ et sous contrôle. S’il est bien adapté, il sera mis progressivement crescendo en durée. Toute difficulté de tolérance ou rougeur doit amener à revoir l’appareillage pour correction et adaptation. Lorsque l’enfant se blesse dans son appareillage, on ne doit pas attendre, car cela va constituer une épine irritative qui va aggraver les dysharmonies toniques musculaires. L’appareillage, quel qu’il soit, doit être conçu spécifiquement pour l’enfant et pour le problème qui lui est propre.
Une rougeur cutanée retrouvée quand on enlève l’appareillage ne veut pas dire que l’appareillage est efficace mais qu’il génère un appui en regard d’un relief osseux. Les éléments qui ont l’objectif de redresser ne sont probablement pas bien positionnés (appui et contre-appui) et la zone d’appui repérée doit être soulagée en rechargeant en amont bien souvent.
L’objectif premier de l’appareillage est d’obtenir un rééquilibrage postural et d’y maintenir l’enfant pour obtenir un relâchement tonique musculaire. Que cela soit pour les membres inférieurs ou supérieurs, le tronc, pour une verticalisation ou une station assise ou couchée, l’enfant ne doit pas être en lutte avec son appareillage.
Ses objectifs secondaires ne sont pas négligeables. L’appareillage doit permettre à l’enfant de se construire sur le plan proprioceptif et sensoriel à partir d’une position corrigée et non sur des bases « tordues ».
On sera bien souvent étonné des répercussions positives d’un appareillage bien adapté concernant le tronc et tout particulièrement les corsets-sièges :
sur la qualité de la respiration ;
sur la déglutition (pour le corset-siège) ;
sur la digestion (problèmes de reflux et de constipation) ;
sur les troubles circulatoires ;
sur les problèmes cutanés ;
sur la vie relationnelle.
L’appareillage doit être régulièrement réévalué et suivi pour s’assurer que les objectifs sont respectés et qu’il n’est pas à renouveler, du fait d’une prise de poids ou de taille. L’appareillage, à tous les niveaux d’atteinte, peut apporter des améliorations de vie quotidienne sans souffrance, lors de la marche quand elle est possible, lors des stations assise et couchée.
Il ne doit pas être vécu négativement par les parents. C’est un apport qui va au-delà de la simple protection de l’appareil locomoteur. Il prolonge en durée le travail du kinésithérapeute et permet d’optimiser la qualité d’autres prises en charge (en orthophonie par exemple, mais aussi en éducatif…)