L’épilepsie est un des signes majeurs du syndrome de Rett (RTT) puisqu’elle affecte entre 70 et 90 % des fi lles Rett et est à l’origine d’une altération considérable de la qualité de vie.
Les crises débutent le plus souvent après la régression, habituellement après 3 ans et rarement après 20 ans. Les filles RTT peuvent présenter tous types de crises épileptiques, mais également des phénomènes paroxystiques non épileptiques. La prise en charge de ces « crises » est d’autant plus difficile, que leur nature épileptique ou non épileptique est souvent incertaine et que les deux types de phénomènes coexistent habituellement chez une même patiente. La complexité de la distinction entre épilepsie et non-épilepsie est liée au fait que ces phénomènes surviennent chez des patientes, dont l’EEG intercritique est anormal.
Un répertoire de manifestations épileptiques et non épileptiques très riche
Les filles RTT peuvent présenter des crises partielles, des crises généralisées, mais également certains syndromes épileptiques. Les crises partielles, parmi lesquelles les formes partielles avec généralisation secondaire sont les plus fréquentes (94 %). Il s’agit le plus souvent de crises débutant dans les régions centrales et occipitales, cloniques focales, avec déviation des yeux, de la tête, et parfois avec des apnées. Les crises généralisées (56 %) sont souvent des « absences/ruptures de contact » associées à une diffusion des décharges de rythmes rapides dans les régions frontales. Les filles Rett présentent un ou plusieurs types de crises différents et souvent combinés. La combinaison la plus fréquente est l’association de crises partielles et généralisées avec des crises partielles complexes, toniques et tonico-cloniques (80 %).
Deux syndromes épileptiques ont été clairement identifiés dans le RTT : le syndrome de Lennox Gastaut (caractérisé par des crises toniques, des chutes atoniques et des absences atypiques) et le statut myoclonique des encéphalopathies non progressives, récemment individualisé par la ligue internationale contre l’épilepsie (ILAE) comme une encéphalopathie épileptique caractérisée par des absences myocloniques et des myoclonies rythmiques. Les RTT peuvent présenter d’autres phénomènes moteurs tels que des tremblements, des épisodes de dystonie ou de rigidité paroxystique, d’hypotonie brusque avec chute en avant. Elles peuvent présenter également des crises à expression comportementale comme des arrêts d’activité, des éclats de rire immotivés, des mydriases, ou perturbations du rythme respiratoire.
Distinguer la nature épileptique ou non épileptique de ces phénomènes est complexe et nécessite souvent une vidéo EEG (électro encéphalogramme) accompagnée d’un EMG (électromyogramme), une solide expérience dans le RTT et dans l’épilepsie. Deux types de phénomènes paroxystiques, dont l’origine épileptique est exclue, sont particulièrement bien identifiés : les « vacant spells » et les « dysrythmies respiratoires ». Les « vacant spells » sont des accès brefs récurrents, stéréotypés pour un seul individu, survenant de façon inopinée, ou interférant avec la conscience, faisant suspecter une crise d’épilepsie. Les épisodes de dysrythmie respiratoire sont des accès paroxystiques et inexpliqués d’hyperventilation ou d’apnée survenant pendant la veille. En l’absence d’EEG-Vidéo contemporain, ces phénomènes conduisent à la surestimation de la fréquence de l’épilepsie et souvent à une médication antiépileptique excessive.
Les aspects EEG propres au syndrome de Rett
Le tracé EEG est caractérisé par l’association d’anomalies du rythme de base et d’une activité proprement épileptique, ainsi que par une évolution parallèle aux différents stades de la maladie. Toutefois, en raison de sa grande variabilité selon les individus, il n’est pas en soi un indicateur de la maladie, mais contribue au diagnostic en association avec les autres critères cliniques. L’aspect EEG évolue au cours des différentes phases de la maladie. Au stade précoce de la maladie, en particulier avant l’apparition des signes cliniques caractéristiques du syndrome de Rett, l’EEG est souvent normal. À partir de l’âge de 2 ans, on observe une disparition progressive des figures physiologiques et l’apparition de décharges paroxystiques focales ou généralisées.
Ce pattern est présent dans un tiers de cas au cours de la phase de régression précoce ; la proportion d’EEG anormal s’accroît jusqu’à 75 % des enregistrements pendant la phase tardive de la régression et jusqu’à l’âge de 6 ans.
La détérioration de l’activité de fond survient donc, après le début de la régression. Certains auteurs suggèrent que ces anomalies seraient le reflet de la détérioration neurologique globale observée dans le syndrome de Rett. À l’inverse, la présence des activités épileptiformes précède l’apparition des crises d’épilepsie dans la plupart des cas.
L’évolution de l’épilepsie
La sévérité de l’épilepsie semble diminuer au-delà de l’âge de 20 ans où la fréquence des crises généralisées diminue, alors que la fréquence des crises partielles augmente. Ces crises restent polymorphes. D’autre part, l’épilepsie de la fille Rett adulte est plus sensible aux antiépileptiques que celle de l’enfant.
Les éléments du pronostic
L’épilepsie dans le syndrome de Rett est pharmaco résistante dans près de la moitié des cas. Les principaux facteurs associés à cette pharmacorésistance sont :
l’âge du début des crises permettant de distinguer deux groupes : épilepsie à début précoce (avant 5 ans) et à début tardif (après 5 ans). Ainsi, les formes à début précoce sont plus fréquemment pharmaco résistantes que les formes tardives ;
la présence de crises généralisées, polymorphes, d’états de mal épileptique.
Les thérapeutiques antiépileptiques et pharmacorésistances
Il n’y a pas de traitement de référence de l’épilepsie dans le syndrome de Rett. Le choix du traitement de l’épilepsie est déterminé par le type de crise. Une monothérapie suffi t à contrôler les crises dans plus de la moitié des cas. Toutefois, une polythérapie peut être nécessaire en cas de pharmacorésistance, comportant le plus souvent deux médicaments (30 %), mais rarement trois(6 % cas).
Le problème du choix et de la conduite du traitement antiépileptique est complexe et nécessite une bonne expérience, car :
la distinction entre crises épileptiques et phénomènes non épileptiques est difficile ;
les filles Rett ont souvent une sensibilité anormale aux drogues sédatives et l’utilisation des drogues antiépileptiques peut conduire à une sédation excessive.
À l’avenir, l’étude de ces phénomènes paroxystiques nécessite, dans un premier temps, une meilleure caractérisation de leur phénotype électro clinique, en organisant, notamment, de façon systématique des enregistrements vidéo/EEG des mouvements anormaux « douteux », afin de démontrer leur nature épileptique ou non épileptique, de manière à effectuer, dans un second temps, des corrélations fi ables avec les mutations identifiées dans MECP2.