Dans le polyhandicap, et notamment dans le syndrome de Rett, la place de l’ophtalmologie et de l’orthoptie semble aléatoire. Toutefois, dans cette pathologie, le seul moyen de communication qui existe se fait par le regard. Il paraît donc évident que ce domaine doit avoir également une place privilégiée dans la prise en charge pluridisciplinaire des personnes Rett et ne doit pas être relégué au dernier rang des spécialités.
Cette maladie génétique, dont les premiers signes détectables apparaissent après l’âge de 6 mois et habituellement entre l’âge de 1 à 2 ans permet d’avoir chez ces personnes un développement neuro-visuel parfaitement normal avec un ralentissement de la croissance cérébrale. Entre l’âge de 2 à 10 ans, le seul moyen de communication se fait par le regard.
Dans le syndrome de Rett, les rétinopathies (maladies de la rétine) ou les atrophies optiques (atteinte du nerf optique) constituent des critères d’exclusion de ce syndrome. Du point de vue ophtalmologique, les personnes Rett peuvent ne présenter aucun trouble de la fonction visuelle. Elles peuvent simplement avoir des problèmes de vice de réfraction (myopie, hypermétropie ou astigmatisme). Des hétérotropies peuvent exister (strabisme convergent, divergent, vertical...). Des anomalies oculomotrices, comme des errances de regard avec plafonnement et nystagmus peuvent également traduire des retards de maturation de la fonction visuelle.
La précocité de prise en charge ophtalmologique et orthoptique favorisera un meilleur pronostic de la fonctionnalité de ce système visuel. Ainsi, tous les vices de réfraction devront être corrigés après étude sous cycloplégique atropinique (le cyclopentolate est proscrit vu la prédisposition à l’épilepsie). Le chiffrage de l’acuité visuelle doit être pratiqué dès que la coopération de l’enfant le permet (soit par des potentiels évoqués visuels, Bébé-vision, tests d’appariements…).
L’objectif est de conférer la meilleure vision avec la meilleure correction optique. Il est primordial d’être vigilant concernant l’éventuelle existence d’une amblyopie fonctionnelle (différence d’acuité visuelle entre les deux yeux de 2/10e). Une amblyothérapie s’imposera dès que nécessaire et ceci, le plus précocement possible, vu la limitation de la plasticité cérébrale dans le temps (après 12 ans les possibilités de récupération de la vision sont pessimistes).
Après un bilan ophtalmologique, le médecin va orienter la personne Rett vers un orthoptiste qui relèvera toutes les lacunes oculomotrices, les stratégies visuelles mises en place de façon spontanée, ses positions de confort, ses distances de confort, l’ambiance lumineuse (il a été souvent constaté des problèmes de sensibilité accrue à la luminosité et l’octroi de simples filtres teintés peut diminuer cette gêne). Les stratégies oculomanuelles, la capacité à croiser les mains pour la réalisation de certaines tâches avec maîtrise ou non des stéréotypies seront analysées. La capacité cognitive de la personne sera également testée. Il est primordial d’évaluer le potentiel visuel et d’établir un projet ciblé et propre au patient.
Ce projet de prise en charge s’inscrit toujours dans un contexte pluridisciplinaire impliquant les professionnels de santé et les parents. L’évaluation va permettre de structurer les tests qui seront utilisés en rééducation. La distance de présentation, le champ visuel, le contraste et l’ambiance lumineuse sont autant de paramètres à prendre en compte. Une prise en charge rééducative doit être positive et il ne faut pas mettre la personne en échec. Il faut penser à partir de sa position de confort et l’amener à travailler sur ses difficultés. Il est extrêmement important de tenir compte du temps de concentration et de la fatigabilité de la personne. La prise en charge rééducative orthoptique se structurera selon la vision globale, moyenne et fi ne. La variation des supports est importante : taille, couleur, contraste, matière… Il faut garder en mémoire que la fonction visuelle représente 80 % de la sensorialité, mais que cette fonction agit en étroite corrélation avec les autres sens : l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher et l’adjonction de ces autres modalités sensorielles ne doit pas être négligée.
Les consignes du rééducateur doivent être simples, concises et claires et au fur et à mesure de la prise en charge, il ne doit pas hésiter à introduire des éléments plus complexes tout en respectant le rythme de la personne. Permettre à une personne Rett d’avoir une bonne qualité d’image, lui faire prendre conscience des possibilités fonctionnelles de sa vision existante, renforcer la cognition, sont autant d’éléments stimulants pour la personne atteinte du syndrome de Rett et son entourage familial.
Tous les éléments suscités nous font prendre conscience du besoin impérieux d’intégrer l’ophtalmologie et l’orthoptie dans une prise en charge pluridisciplinaire afin d’optimiser le potentiel, oh combien surprenant, de ces personnes Rett !