Surveiller l'état nutritionnel
La prévalence de la dénutrition est élevée dans le syndrome de Rett. L'étude présentée par l'AFSR au congrès mondial en 2008 montre une prévalence de dénutrition d'environ 20 % sur 144 filles Rett âgées de 2 à 18 ans et d'environ 45 % sur 73 filles Rett âgées de 18 ä 48 ans (Senez and Benigni, 2008). Une autre étude montre que le poids moyen et la taille moyenne sont inférieurs chez les filles Rett par rapport à la population générale de même âge et décroissent avec l'âge (Oddy et al., 2007).
L'objectif de la surveillance de l'état nutritionnel est double :
savoir dépister précocement une dénutrition afin de mettre en place très rapidement une stratégie pour l'enrayer ;
apprécier l'évolution de l'état nutritionnel et l'impact des moyens mis en œuvre pour l'améliorer.
Le diagnostic clinique d'une dénutrition installée est évident et ce qui nous intéresse est de pouvoir déceler et corriger une dénutrition ä son début afin que ses conséquences soient les plus minimes possible. La dénutrition aggrave la dénutrition, car le catabolisme demande autant d'énergie que l'anabolisme.
Les points à surveiller
Chez l'enfant, il faut être attentif aux courbes de poids et de taille, si le poids stagne ou diminue, la dénutrition est débutante, si la croissance est ralentie, cela indique une dénutrition qui se chronicise. Environ une fille Rett sur deux a une taille inférieure à la norme et le déficit s'accroît avec l'âge (Schwartzman et al., 2008). On peut également calculer l'indice de masse corporelle et surveiller son évolution, mais attention quand le poids et la taille sont inférieurs aux normes, leur rapport reste normal. Chez l'adulte une perte de poids de 5 % en un mois, de 10 % en six mois, un indice de masse corporelle inférieur ä 18,5 kg/m° sont des signes d'alerte.
Évaluer ce qui est réellement consommé
Il est intéressant de faire une enquête alimentaire permettant de calculer les apports. Cette méthode, utilisée sur trois jours minimum, permet de chiffrer les apports moyens journaliers ainsi qu'une étude des apports sur le plan qualitatif afin de déceler des déficits d'apports spécifiques (calcium, vitamine C, fer...).
Quels sont les besoins nutritionnels d'une Fille Rett ?
Les besoins énergétiques peuvent être d'une grande variabilité selon les individus. Il semble qu'ils soient élevés chez les filles Rett et certaines sont dénutries malgré un bon appétit. Environ 80 % des familles estiment que leur fille se nourrit bien alors qu'elle est dénutrie (Senez and Benigni, 2008 ;Oddy et al., 2007).
Aucune hypothèse n'a été confirmée concernant ce paradoxe : augmentation des dépenses liées à la spasticité, dues aux stéréotypies, autre cause...
D'autres éprouvent des difficultés à se nourrir et à couvrir leurs besoins. Devant le constat d'une dénutrition, il convient d'enrichir l'alimentation et de rechercher les causes possibles des difficultés à se nourrir afin d'agir de manière préventive.
Enrichir l'alimentation
Ajouter dans les préparations de manière à concentrer les calories sous un faible volume :
des protéines : lait concentré, lait en poudre, lait de croissance, fromage, lait en boisson, sauce béchamel, œuf, jambon, lardons, dés de saumon, miettes de thon...
des glucides: féculents, biscuits, céréales, pâtisseries, chapelure, crumble de légumes, poudre d'amandes, poudre de noisettes...
des lipides : beurre, huile (en variant les huiles), crème fraîche, pâte ä tartiner chocolatée, beurre de cacahuètes, purée d'amandes...
On peut également proposer des préparations des laboratoires diététiques crèmes, compléments liquides, potages, jus de fruits, dextrine maltose...
La texture des repas
La plupart des filles Rett ont la possibilité de mastiquer des aliments ä condition qu'ils ne soient pas trop durs ou écrasés avec un masticateur. Malgré cette potentialité, certaines sont très fatigables surtout si elles sont dénutries et pour faciliter la prise de leur repas et leur digestion il sera judicieux de leur donner une partie de leur repas sous forme mixée. Il est par ailleurs plus aisé d'enrichir une préparation mixée.
Il convient de tester les possibilités de mastication de chaque personne Rett (cf . chapitre C. Senez, E. Prudhon) et d'adapter la texture des repas si nécessaire.
texture hachée ou lubrifiée : la viande est moulinée, les légumes écrasés dans l'assiette ; on exclut les fibres végétales crues dures (carotte, céleri, chou, pomme), le pain et les fromages ; cette texture est destinée aux personnes mastiquant peu, mois avec une bonne mobilité latérale de la longue et sans troubles de la déglutition. Pour les desserts, tous conviennent à part les fruits crus durs.
Certaines filles éprouvent des difficultés ä homogénéiser les aliments qui se dispersent dans la bouche type riz, taboulé, coquillettes, lentilles, petits pois... Il conviendra alors d’y ajouter une sauce liante épaisse ou de leur proposer sous forme de purée.
texture purée (mixée) : tous les aliments sont mixés très finement séparément ; les fromages fondus collants (type crème de gruyère) sont additionnés aux purées et aux potages ; cette texture est destinée aux personnes souffrant de troubles de la déglutition ou ayant une mastication inexistante sans aucune mobilité latérale de la langue. Les desserts seront composés de fruits crus mixés, compotes, desserts lactés avec ou sans féculents ou toute autre préparation mixée avec un liant (lait, crème pâtissière, épaississant...).
Chercher également comme cause possible des difficultés à se nourrir :
Des douleurs dentaires (cf. chapitre V. Louis-Spielmonn).
Un syndrome de dysoralité sensorielle qui concerne environ une fille sur deux (Senez and Benigni, 2008)
Des troubles digestifs : vidange gastrique lente, reflux gastro-œsophagien, constipation. La prévalence de ces troubles est estimée à 74 % (Lotan et al., 2006) (cf. chapitre J. Lemale).
Si, malgré tous les efforts entrepris, l'état nutritionnel ne s'améliore pas ou si la prise alimentaire devient trop pénible, il faudra songer à l'instauration d'une nutrition par voie entérale totale ou partielle, c'est-à-dire une alimentation par un mélange nutritif adapté, à l'aide d'une sonde qui arrive directement dans le tube digestif.
Elle est souvent vécue comme une régression, un échec, or, du point de vue de la personne Rett, elle peut constituer un élément indiscutable de bien-être voire une bouée de sauvetage pour passer un cap difficile (elle est réversible). Les indications de la nutrition entérale doivent être réfléchies avec la famille et les partenaires de l'accompagnement de l'enfant (de l'adulte) pour qu'elles ne soient ni abusives ni trop timides. La nutrition entérale permet d'améliorer la croissance et la prise de poids des filles Rett (Motil et al., 2009).
Il est souvent possible de proposer un apport oral concomitant avec une texture adaptée. Outre le plaisir lié à cette activité, elle peut également constituer une aide à la gestion de la déglutition de la salive.
L'hydratation est souvent difficile chez les filles Rett.
Quelques conseils pratiques
Souvent, nous proposons une boisson au cours du repas. Or, pour certaines, le volume du repas plus celui de la boisson est trop important pour elles. Essayer de leur proposer à boire en dehors des temps de repas et de leur proposer seulement quelques gorgées avant et après manger.
Beaucoup de filles Rett n'apprécient pas l'eau, car elle n'a pas ou peu de goût, elle n'est donc pas assez informative pour elles sur le plan sensoriel. Il n'est pas pour autant souhaitable pour leur équilibre alimentaire et pour leur hygiène bucco-dentaire de proposer systématiquement des boissons sucrées.
Soyons imaginatifs pour varier nos propositions à celles qui n'apprécient pas l’eau plate en renforçant l’information sensorielle par le goût, la texture ou la température.
Eaux plates aromatisées sans sucre (lire les étiquettes)
Boissons pétillantes (sans abus chez les personnes présentant un reflux gastro-œsophagien), eaux natures ou aromatisées sans sucre (lire les étiquettes), sodas light
Jus de fruits et de légumes (apport de vitamine C et de sels minéraux) :
Jus de fruits du commerce éventuellement dilué (préférer la mention pur jus de fruits) ;
Jus de fruits frais réalisé avec une centrifugeuse ;
Jus de légumes frais réalisé avec une centrifugeuse ;
Mélange jus de fruits/jus de légumes : pomme carotte, orange carotte, ananas céleri... ;
Mélange compote ou fruits frais mixés/eau ;
Smoothie.
Pour celles qui préfèrent la saveur salée :
Potage de préférence « maison », mais aussi surgelé ou en brique quand on dispose de peu de temps : apport de fibres et de sels minéraux ;
Bouillon de légumes : apport de sels minéraux.
Pratique : les petits sachets pour aromatiser l'eau ä toute température.
Tisane aux fruits et aux plantes (il en existe un choix très varié et il suffit de mettre un sachet dans une bouteille, même à froid pour aromatiser) ;
Thé nature ou aromatisé (idem, mais limiter le temps d'infusion pour éviter l'amertume) ;
Eau + fleur d'oranger ou extrait de vanille.
Boissons lactées (apport de calcium) :
Lait nature ou légèrement aromatisé (thé, tisane, cacao, miel, fleur d'oranger...);
Yaourt à boire ;
Mélange « maison » yaourt/lait ou yaourt/jus de fruits ;
Mélange lait/jus de fruits (le lait tamponne l'acidité du jus de fruits pour les estomacs sensibles) ;
Smoothie à base de laitages ;
Crème anglaise.
Pauses café :
Café (au besoin décaféiné) ;
Cappuccino ;
Mélange chicorée /café ;
Chicorée nature ou aromatisée.
Divers :
Sirop sans sucre ;
Poudre édulcorée et aromatisée ä dissoudre dans l'eau.
La liste n'est pas exhaustive et s'enrichira des idées et expériences de chacun. Toutes ces boissons peuvent être épaissies avec de l'amidon modifié ou gélifiées avec de la gélatine ou de l'agar-agar si nécessaire.
En complément du traitement médical, un bon état nutritionnel et des apports corrects en calcium et vitamine D sont des atouts pour prévenir l'ostéoporose.
Le calcium
Il est indispensable à la croissance et au renouvellement du tissu osseux. L'os est un organe vivant qui sert aussi de réservoir de calcium à l'organisme (d'autres tissus dans l'organisme en ont aussi besoin).
Les apports alimentaires contribuent à l'obtention d'un bilan calcique positif, c'est-à-dire à des apports supérieurs aux pertes donc à l'ossification.
Ce qui favorise un bon statut en calcium :
la consommation minimum quotidienne de 3 produits laitiers (bon rapport phosphocalcique, présence de lactose qui favorise l'absorption du calcium) ;
l'inclusion des sources de calcium dans le repas (aliments ou éventuellement suppléments prescrits) plutôt qu'en dehors des repas ;
la réduction de la fuite urinaire de calcium grâce à un régime alcalinisant, c'est à dire riche en légumes, fruits, bicarbonate ;
de bons apports en produits laitiers pendant l'enfance et la préadolescence. Ils sont déterminants pour le statut osseux à l'âge adulte.
Ce qui diminue l'absorption du calcium :
l'excès de protéines (excès de viande, poisson, œufs) ;
l'excès de sel ;
les eaux minérales riches en sulfates ;
la présence d'acide phytique, d'acide oxalique et de pectine, ce qui explique que le calcium des légumes est généralement moins bien absorbé que celui des produits laitiers. Un régime qui exclurait tout produit laitier ne couvrirait que la moitié des besoins de l'organisme.
Les besoins quotidiens :
Enfant de 1 à 3 ans | 450 mg | Adulte de 18 à 24 ans | 1 000 mg |
Enfant de 4 à 10 ans | 800 mg | Femme de 25 ans et plus | 950 mg |
Adolescent de 11 à 17 ans : | 1 150 mg | Homme de 25 ans et plus | 950 mg |
En pratique comment couvrir les besoins (moyennes) :
1 bol de lait : 300 mg
1 yaourt: 200 mg
100 g de fromage blanc (l pot): 80 mg
2 petits-suisses de 60 g: 150 mg
1 crème dessert : 70
1 part de camembert (40g) : 150 mg
1 part de gruyère (40g) : 350 mg
1 cuillère à soupe de parmesan : 300 mg
1 part de fromage de chèvre type bûche (40g): 60 mg
1 part de bleu : 200 mg
1 part de roquefort : 280 mg
1 crème de gruyère : 130 mg
1cuillère à soupe de lait en poudre : 150 mg
1 crème glacée (1 bâtonnet) : 60 mg
Penser aussi aux eaux minérales riches en calcium :
1 grand verre d'eau riche en calcium apporte de 30 à 100 mg de calcium.
La vitamine D
Rôles principaux
favoriser l'absorption intestinale du calcium ;
favoriser la fixation du calcium sur l'os, les cartilages de croissance et les dents ;
réguler l'équilibre du calcium dans l'organisme.
Sources
La vitamine D provient à la fois :
de la synthèse au niveau de la peau lors de l'exposition au soleil ;
et de notre alimentation : principalement poissons gras (saumon, hareng, sardine, truite arc-en-ciel, anchois, maquereau, flétan, anguille, thon), viandes, abats, œuf s. Il est recommandé (en raison également de leur richesse en oméga 3) de consommer des poissons gras 2 fois par semaine. On trouve également de la vitamine D dans les produits laitiers non écrémés.
Une supplémentation en vitamine D est souvent recommandée sur avis médical.