Les troubles digestifs observés chez les patientes présentant un syndrome de Rett

Trois types de problèmes peuvent être rencontrés et nécessitent un suivi par un médecin gastroentérologue : les vomissements, le retard de croissance et la constipation.

Les vomissements-rejets

Plusieurs facteurs souvent intriqués sont à l’origine des rejets et vomissements.

Les difficultés à avaler et à s’alimenter

Environ la moitié des petites filles a des troubles de la mastication dus à une dysfonction des muscles oro-faciaux. D’autres anomalies comme des mouvements anormaux de la langue, une mauvaise posture notamment des épaules ou le fait de rejeter la tête en arrière compliquent souvent la mastication et la déglutition.

Les anomalies du réflexe nauséeux

Le réflexe nauséeux est normalement situé à la base de la langue. Chez les enfants atteintes du syndrome de Rett, celui-ci est déclenché de façon anormale dans environ 20% des cas dès qu’il existe une stimulation interne ou externe de la bouche. Les enfants semblent inconfortables dès qu’il y a un contact avec la bouche, ce qui entraîne alors des vomissements.

Pour essayer de diminuer ce réflexe, il faut tenter de modifier la position de l’enfant en le penchant un peu plus en avant ou en arrière ou en bougeant sa tête et ses épaules.

L’hypersensibilité autour de la bouche

Les filles atteintes du syndrome de Rett sont plus sensibles à la sensation de chaud et de froid dans la bouche, cela pourrait expliquer aussi en partie les rejets.

Les vomissements volontaires

Parfois des troubles du comportement peuvent entraîner des vomissements volontaires ou forcés ou encore « comportementaux », notamment lorsque l’enfant a l’impression qu’on ne lui prête pas assez attention.

Les fausses-routes

Chez les patientes présentant une atteinte neurologique sévère, quelle que soit l’étiologie, des fausses-routes peuvent survenir au moment des repas, et peuvent être à l’origine d’étouffements. Ces fausses-routes surviennent surtout avec les liquides.

En outre, elles sont souvent aggravées par les apnées et hyperventilations du syndrome de Rett. Elles peuvent être responsables de toux au moment des repas, et dans les formes les plus sévères, d’infections pulmonaires fébriles parfois répétées. Il est donc nécessaire d’épaissir les liquides et de donner de l’eau gélifiée si les épisodes deviennent fréquents. Les repas doivent être donnés sous forme de purée, en petites quantités à la fois.

Le reflux gastro-œsophagien

Il s’agit d’une remontée de l’acidité de l’estomac dans l’œsophage. Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est diagnostiqué chez environ 25 % des enfants atteintes du syndrome de Rett. Celui-ci est dû à une dysfonction des muscles du système digestif supérieur. Il peut être responsable de douleurs ou d’inconfort chez l’enfant ainsi que d’une mauvaise haleine et de lésions de l’émail dentaire. En cas de doute, le RGO peut être diagnostiqué par une PHmétrie des 24 heures, c’est-à-dire un enregistrement de l’acidité de l’œsophage durant 24 heures avec une sonde. Il s’agit d’un examen simple et non invasif, la plupart du temps bien toléré par l’enfant.

Le RGO peut être responsable de fausses-routes entraînant une toux parfois chronique et des infections pulmonaires répétées. Une complication à connaître est l’œsophagite (une inflammation de l’œsophage) responsable d’une douleur aggravant les difficultés alimentaires. En cas de régurgitations ou vomissements avec du sang, il faut suspecter une œsophagite et une prise en charge urgente est nécessaire comportant souvent une fibroscopie digestive haute. Dans les formes extrêmes non diagnostiquées et non traitées, une œsophagite peut être responsable d’un rétrécissement de l’œsophage, appelé sténose, entraînant souvent une intolérance alimentaire parfois totale avec des vomissements.

La prise en charge d’un RGO simple consiste d’abord à éviter des changements de position pendant et immédiatement après le repas. Les liquides peuvent être épaissis pour limiter les remontées. Des traitements médicamenteux peuvent être prescrits en cas de gêne importante. Il s’agit de médicaments qui neutralisent l’acidité de l’estomac appelés inhibiteurs de la pompe à protons. Des pansements gastriques peuvent également être donnés après les repas pour soulager la douleur. En cas d’inefficacité des médicaments, un traitement chirurgical peut être nécessaire. Il s’agit de l’intervention de Nissen qui consiste à enrouler la partie supérieure de l’estomac autour de l’œsophage pour créer une valve anti-reflux.

Le retard de croissance - la dénutrition

Il s’agit d’un problème important touchant environ 90 % des patientes et ayant tendance à s’aggraver avec l’âge. Les jeunes filles atteintes du syndrome de Rett mangent environ seulement les 2/3 de la ration calorique normale d’un enfant du même âge non malade. En outre, la dénutrition et le retard de croissance staturopondéral qui en découlent, aggravent l’ostéoporose liée au syndrome de Rett. Ils sont également à l’origine de carences vitaminiques en particulier en fer, à l’origine d’anémies.

La dénutrition et les troubles de la croissance sont les conséquences de la conjonction de troubles de l’oralité, des rejets et vomissements chroniques, et des troubles neurologiques et respiratoires.

Dans un premier temps, il convient d’enrichir l’alimentation en ajoutant des matières grasses dans les plats, une consultation avec une diététicienne est souvent nécessaire. De même, des compléments alimentaires hypercaloriques peuvent être proposés sous forme liquide ou de crème. Si la mauvaise prise de poids persiste, une suppléance nutritionnelle est nécessaire, souvent la nuit, par sonde nasogastrique ou par un bouton de gastrostomie avec administration de produits spécifiques plus ou moins caloriques, plus ou moins riches en fibres.

La pose des boutons de gastrostomie peut être faite soit par voie endoscopique soit par voie chirurgicale. Dans ce dernier cas, l’indication d’une fundoplicature de Nissen (intervention anti-reflux) associée est discutée.

Schéma de l'insertion d'un bouton de gastrostomie

La constipation

On estime que 85 % des patientes avec un syndrome de Rett présentent une constipation, c’est-à-dire l’émission de moins de trois selles par semaine pendant plus de 15 jours. Celle-ci serait en rapport avec le manque d’activité physique, la prise de boisson insuffisante, la faible alimentation, une scoliose associée et le ralentissement de l’activité musculaire de l’intestin.

Il est important de prendre en charge rapidement la constipation pour éviter l’accumulation et l’impaction de selles (fécalome) responsable de douleurs abdominales et de douleurs à l’exonération. Parfois, les selles dures et volumineuses sont responsables de fissures anales provoquant un saignement local.

Dans un premier temps, des mesures diététiques doivent être mises en place en favorisant si possible la consommation de fi bres et la prise de boissons. Souvent, ces mesures sont insuffisantes et des laxatifs sont alors prescrits. Il en existe plusieurs types et tous peuvent être utilisés seuls ou en association pour traiter la constipation : huile de paraffine, macrogol, PEG (polyéthylène glycol).

Il faut éviter au maximum la réalisation de lavements, car ceux-ci sont traumatisants et vont à l’encontre du processus physiologique de défécation. Leur indication doit être limitée à l’évacuation d’un fécalome.

Ainsi, les troubles digestifs et nutritionnels des patientes présentant un syndrome de Rett ne doivent pas être négligés, car ils sont souvent responsables d’une altération de la qualité de vie. De plus, la prise en charge nutritionnelle précoce est importante, car elle améliore non seulement la croissance, mais aussi le niveau des activités et les capacités fonctionnelles des enfants.

Dr Julie LEMALE, gastroentérologue
Avec la participation du Dr Nadia BAHI-BUISSON (2016)